samedi 19 octobre 2013

Bernard Clavel Choix d'articles

A travers quelques articles, quelques portraits, ceux qui ont compté pour Bernard Clavel : Michel Ragon, Pierre Mac Orlan, Eugène Le Roy, Louis Lecoin, Terre d’Ornans, patrie de Courbet, Gauguin

Voir aussi d'autres articles de Bernard Clavel dans Clavel articles d'actualité

1- Introduction --Petit portrait de Bernard Clavel d’après Danielle Pampuzac, Œuvres complètes, tome I, préface, Éditions Omnibus


Des yeux clairs dans les gris-bleu, couleur de ces fleuves qu’il connaît bien, pull-over dans les mêmes tons. L’homme, sa « tendresse un peu bourrue », naturel  tel qu’il est toujours dans la vie, d’une fidélité à toute épreuve, parle de façon posée et volubile. « Il pourrait sortir d’un de ses romans », ajoute-t-elle.

Sortir d’un roman comme Le Seigneur du fleuve par exemple, costaud, clame, obstiné, « débordant d’une énergie maîtrisée ». Et comme tout créateur, rêveur, pas toujours présent, en ''colloque singulier'' avec ses personnages, mais en même temps attentif et toujours disponible pour « les engagements qu’il juge essentiels ».

Enfant, il vit dans une maison sans livres et sans électricité et cette absence, ce manque, il le comble en aiguillant son imagination, voguant au grand large dans un univers d’aventures héroïques, perché sur le chêne étêté planté dans le jardin. Ses ''universités'', il les fera comme apprenti boulanger, bûcheron, relieur, journaliste… travaillant la terre avec l’Espagnol ou s’exerçant à L’Hercule sue la place. Ses romans, il nous parle de toutes ces expériences, ils nous parlent de nous aussi, par la subtile alchimie de la transposition romanesque, l’épuisante obstination du conteur, « engrangeur de mémoires », à créer des univers où le lecteur puisse se projeter.  
 
        Michel Ragon                   Pierre Mc Orlan 

2- Bernard Clavel de 1968 à 1975 : par Michel Ragon, Œuvres complètes, tome III, préface de Michel Ragon, éditions Omnibus, septembre 2004, isbn 2-258-06593-0

L’année 1968 est un grand cru pour Bernard Clavel, année où il est révélé au grand public, année de consécration avec Le grand prix littéraire de la ville de Paris puis le Prix Goncourt pour son roman Les fruits de l’hiver (dernier tome de La Grande patience). En 1970, il retourne dans son Jura natal à Château-Chalon où dans son nouveau roman Le Seigneur du fleuve, il renoue avec le Rhône, ce fleuve qu’il aime tant et qui est le vrai héros du roman.


Les années soixante dix vont être marquées par son engagement envers tous ceux qui souffrent de par le monde, et d’abord les victimes de la violence et de la guerre. Cet engagement va se traduire par des actions ‘sur le terrain’ avec l’association Terre des hommes puis au Bangladesh où il criera « sa rage d’impuissance », il se fait militant pacifiste et tiers-mondiste avec son ami Louis Lecoin ou combat l’erreur judiciaire dans l’Affaire Jean-Marie Deveaux.

Sur le plan littéraire, ce sera son essai Le Massacre des innocents en 1970 et  la longue préface au livre de Claude Mossé Mourir pour Dacca en 1972 où il écrit que « la guerre avilit l’homme ». Puis ce sera son roman ‘anti militariste’ Le Silence des armes  en 1974 suivi de Lettre à un képi blanc l’année suivante, ainsi que nombre d’articles dans Liberté, la revue pacifiste de Louis Lecoin.

Bernard Clavel, à l’instar de ses aînés Zola, Hugo ou Voltaire, pose sa plume pour brandir l’étendard de la justice et de la paix car écrit Bernard Clavel  « le plus grand malheur du monde vient de ce que le pouvoir se trouve entre les mains de quelques individus qui se sont prostitués pour l’obtenir et que seuls intéressent ce pouvoir et l’argent qu’il procure ». 
  Louis Lecoin et Eugène Le Roy 

3- L’engagement : ''Pour Louis Lecoin'' : préface de Bernard Clavel  --  ''Écrits de Louis Lecoin'', Paris, 1974, avec une préface de Bernard Clavel, éditions de l’Union pacifiste, Œuvres complètes, tome III, pages 962-966, Éditions Omnibus

 

Pour sûr, Louis Lecoin n’eût pas goûté qu’on l’appelle un héros, lui qui a consacré sa vie à lutter pour la justice et la paix. Mais qui serait un héros si Lecoin ne l’était pas ! Il sut toujours dominer sa peur physique bien qu’il luttât constamment les mains nues. Il apparaît comme un Don Quichotte s’échinant contre l’absurdité, la sottise, la corruption et le vice. Malgré sa fragilité apparente, il émanait de sa personne un grand magnétisme qui en imposait. « Très tôt, je me suis frotté à la vie, écrit Bernard Clavel, rencontrant ainsi bien des misères et bien des injustices » mais sa révolte n’a jamais égalée celle de Lecoin, « regardez-le s’avancer comme un vieil arbre torturé par les vents les plus sauvages mais qui a su résister à toutes les tempêtes sans jamais courber l’échine ».

Son combat le plus connu, c’est d’avoir réussi à arracher le statut d’objecteur de conscience. Mais derrière cette victoire, il y a de 1906 à 1971 quelque soixante années de luttes. Cet homme intransigeant, épris de liberté, de justice et de paix, dérangeait beaucoup : ses amis d’abord parce qu’il allait toujours au bout des actions qu’il engageait et leur demandait beaucoup, et surtout ceux qu’il dénonçait, ploutocrates, politiques et militaires. De son premier engagement où il refusa de marcher contre des grévistes, des actions pour faire libérer des anarchistes emprisonnés jusqu’à l’objection de conscience où il mit sa vie en danger, il passa son existence à lutter et connut souvent la prison.

Voir aussi : ''Le cours d’une vie'', Louis Lecoin et '' Louis Lecoin '', film biographique réalisé par  Jean Desville 

4- Pierre Mac Orlan : article de Bernard Clavel, Œuvres complètes, tome III, pages 953-957, Éditions Omnibus
Mardi 30 juin 1970 – Saint-Cyr-sur-Morin. Pierre Mac Orlan, il ne voulait plus voyager, l’âge sans doute et la mort de sa femme Margot, il voyageait dans sa tête ou on venait le visiter, François Villon par exemple et bien d’autres entraient chez lui un soir sans crier gare. Il a préféré s’en aller « par le petit chemin de la colline, celui qui contourne le village et gagne le cimetière sans troubler le va-et-vient des vivants ».

Dans les multiples talents qu’il avait, tout était lié, l’amitié avec la solitude, la chanson, la radio, le cinéma… et son œuvre variée, diverse, généreuse à ne pas pouvoir en faire le tour car « on ne fait pas le tour d’horizon de l’émotion ». Il possédait un immense pouvoir d’évocation, « quelques mots égrenés et c’est l’étoile qui s’allume au ciel de notre nuit » comme sa Marguerite de la nuit. Tout en préservant son unité, il est passé naturellement du poème au roman, de la chanson à l’essai et du reportage à la chronique.

5- Eugène Le Roy : article de Bernard Clavel
Œuvres complètes, tome III, pages 945-951, Éditions Omnibus

Son existence « est unique dans l’histoire des Lettres », nous assure Bernard Clavel. C’était un pur, « un homme bon mais d’une intransigeance absolue » qui dut le succès au hasard d’un sénateur lisant dans le train un feuilleton de son cru et s’en enthousiasma. Né en 1836 au château de Hautefort en Dordogne, il vécut l’enfance miséreuse de son héros Jacquou le croquant. Il connut une jeunesse difficile, cherchant sa voie, tour à tour employé à Paris, militaire participant aux campagnes d’Algérie et d’Italie puis employé percepteur dans son Périgord natal.
Il y mène une vie rangée avec femme et enfants jusqu’à la guerre de 1870 où il s’engage dans l’armée Chanzy. Un sentiment domine chez lui : l’injustice l’insupporte. Dès lors, il dénoncera les injustices dans des articles parfois violents et en payera le prix : révoqué puis réintégré en 1878, muté ensuite à Bordeaux. Dans son Périgord, il passe ses journées à écrire et, étonné, refuse d’aller à Paris, de recevoir un prix ou la légion d’honneur.

Consciencieux et méthodique, il rédige une notice sur l’ensemble de ses écrits, en particulier sur Le Moulin de Frau, le roman qui l’a fait connaître et bien sûr Jacquou le croquant. Il considère le roman comme une façon d’exprimer l’amour de sa terre périgourdine, de créer des personnages qui comme lui luttent contre les injustices et vivent aussi « ses plus beaux rêves ».

Mais le drame entre dans sa vie : il perd son fils aîné puis est victime d’une crise cardiaque. Á la fin de sa vie, il écrira à ses enfants de dédaigner la gloire, le pouvoir et les richesses car les véritables biens en ce monde sont la santé, l’indépendance et la paix du cœur. La mort, il ne la craint guère et s’y est déjà colleté à travers son roman L’ennemi de la mort et c’est avec sérénité qu’il l’attendra.
Courbet : autoportrait

Voir aussi :
- Eugène Le Roy et le Périgord, Christian Seignol, éditions P Fanlac, Périgueux
- Eugène Le Roy, romancier périgourdin, Gaston Guillaumie, Librairie Féret, Bordeaux
 
              <<<< Christian Broussas, Feyzin - Octobre 2013 © • cjb • © >>>>

 

 




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire