jeudi 17 octobre 2013

Bernard Clavel Le talon de fer Préface

                 

Le Talon de fer : les luttes sociales, de Jack London avec une préface de Bernard Clavel
Éditions du club Diderot parue en 1967
Œuvres complètes, tome II, pages 1171-1185, Éditions Omnibus

Si Jack London est considéré come un conteur extraordinaire avec le succès intemporel de ''Croc-blanc'' et ''L’Appel de la forêt'', au-delà de l’aventure et du pittoresque, où dominent « la poésie profonde des choses » et les « qualités humaines de ses héros », il a aussi écrit des œuvres plus personnelles, à la peinture sociale d’une société dont il contestait le fonctionnement. D’extraction modeste, il doit lutter pour gagner sa vie, mille métiers durs et mal payés. Il lutte également pour améliorer le sort des pauvres, rêvant à une société plus juste.

C’est cette seconde facette de sa personnalité qui va l’amener à écrire des œuvres radicalement différentes de ses romans d’aventure, aux tonalités sociales plus marquées comme ''Les vagabonds du rail''. L’originalité de ce roman ''Le Talon de fer '' est justement de réunir ses deux aspects de ses écrits.  Il disait de lui qu’il était « un adapte du travail méthodique » qui n’attend jamais l’inspiration. Ici, pour ne pas dérouter son public, il choisit de développer ses idées socialistes dans une première partie puis de les illustrer à travers une aventure sociale plus en phase avec ce qu’aimait son public.

Son héros Ernest Everhard est en même temps à son image et le révolutionnaire qu’il aurait aimé être. Comme London, c’est « un gaillard puissant, très maître de sa force », sachant s’imposer. Il est comme Bernard Clavel aime ses héros, des forces de la nature, bonnes pâtes et taciturnes, des personnages qui ont une ‘gueule’, un gros tempérament, comme des héros dans ''Le Seigneur du fleuve'', ''La Table du roi'' ou ''La Guinguette''.

Si l’intrigue exploite le cheminement que suivent Avis Everhard la narratrice et son mari Ernest, le récit s’organise en de multiples événements et personnages secondaires qui donnent une grande ampleur à l’ensemble. Ce livre est tout à la fois le récit des aventures d’Ernest Everhard, « un reportage dans le futur et surtout une démonstration d’une rare violence ». Il dénonce la guerre qui s’abat sur le peuple et ne profite qu’aux nantis, « on croit mourir pour la patrie, a écrit Anatole France, et on meurt pour des industriels. Bernard Clavel cite aussi cette phrase de Paul Valéry : « La guerre, une opération où des gens qui ne se connaissent pas se massacrent pour la gloire et pour le profit de gens qui, eux, se connaissent et ne se massacrent pas ».

London semble pessimiste dans sa vision du monde  et la capacité des classes défavorisées à parvenir au pouvoir mais il ne prête aux classes dirigeantes ni autant d’hypocrisie, ni autant de machiavélisme que dans la réalité. Il décrit l’écrasement de la commune de Chicago, « c’est-à-dire l’assassinat par la police et la troupe  au service de quelques grosses fortunes, des milliers de travailleurs en révolte contre le capital qui les opprime ». L’évêque Morehouse qui prend conscience de la condition ouvrière et distribue sa fortune pour venir en aide aux plus démunis, sera déclaré fou et interné. Bernard Clavel fait un parallèle avec le cas de Claude Eatherly, l’un des pilotes d’Hiroshima, qui mena une action anti-militariste avant d’être lui aussi interné.

London situe l’écrasement de la commune de Chicago et l’exécution d’Ernest Everhard, au cours de l’année 1918. Mort deux ans auparavant, il ne verra ni la Révolution russe, ni les fraternisations entre soldats en 1917, qui auraient pu aboutir, pense Bernard Clavel, à une « Révolution socialiste ». Il cite la thèse de son ami l’écrivain Joseph Jolinon selon qui les mutineries ont été provoquées par l’État-major de l’armée pour mettre fin aux fraternisations.

Á croire que, même si Jack London a forcé le trait dans la peinture du Chicago qu’il décrit, il est encore bien loin de la réalité. En tout cas, Le Talon de fer est un livre qui éclaire encore l’actualité des années deux mille.

Parmi les autres préfaces de Bernard Clavel
* Brassens, le mécréant de Dieu, Jean Claude Lamy, témoignage de Bernard Clavel, Albin Michel 2004, 310 Pages
* Les Travailleurs Face à L'armée, Jean Authier, postface de Bernard Clavel, Moisan Union pacifiste de France, 80 paqges
* Morges sept siècles d'histoire vivante 1286-1986, Robert Curtat, préface de Bernard Clavel, Au Verseau, 193 pages, 1986 (sur Morges, voir son roman La lumière du lac)
* Ils ont semé nos libertés, Michel Ragon, avant-propos de Bernard Clavel, Éditions Syros, 1984
* La gerbe d'or, Henry Béraud, préface de Bernard Clavel, Édition Horvath, Roanne, 207 pages, l'histoire de la boulangerie Lyonnaise 'la gerbe d'or' au début du siècle, 1979
* Mourir pour Dacca, Claude MOSSE, préface de Bernard Clavel, Paris, Robert Laffont, in-8 broché, 220 pages, 1972
* Écrits, Louis Lecoin, extraits de 'Liberté' et de 'Défense de l'homme', préfaces de Bernard Clavel et de Robert Proix, Union pacifiste de France (UPF), Boulogne, 255 pages, 1974
* L'Affaire Deveaux, article de Bernard Clavel, Édition Publication Première, collection Édition Spéciale, 265 pages, 1969

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