mardi 30 septembre 2014

Le voyage du père

Le Voyage du père est un roman de l'écrivain Bernard Clavel paru aux éditions Robert Laffont en 1965. Il a fait l'objet dès 1966 d'une adaptation au cinéma, sous le même titre, dans une réalisation de Denys de La PatellièreFernandel tient le rôle principal.

                         

Introduction
Le livre est dédicacé: « A Hans Balzer, frère miraculeusement retrouvé, en souvenir de Carcassonne 1942 et Weimar 1965.»

La clé de cette dédicace se trouve dans son livre de souvenirs Écrit sur la neige : Lors d’un congrès en 1965, il rencontre cet Allemand avec qui il sympathise et qui s’avère être un des soldats allemands qui gardaient la prison de Carcassonne en 1942 où Bernard Clavel se trouvait également au temps où il était Celui qui voulait voir la mer (deuxième tome de la série romanesque La Grande patience) et parcourait la France avant d’entrer dans un réseau de Résistance dans le Jura. Ils se rendirent ensuite tous deux à Buchenwald puis non loin de là à Weimar où ils évoquèrent bien sûr Goethe, l’enfant du pays. Hans Balzer disparut quelques années après leurs retrouvailles.

Ce roman nous entraîne sur les terres de mémoire de Bernard Clavel, deux lieux privilégiés de sa "géographie sentimentale" : son pays natal le Jura et plus précisément vers la ville de Lons-le-Saunier où se déroulent plusieurs de ses romans (on peut citer par exemple Le silence des armes)1 et la vallée du Rhône, plus spécialement la ville de Lyon, décor d’autres romans comme La Révolte à deux sous ou L'homme du Labrador 2.

               

C’est le mythe de la ville qui transparaît à travers les tribulations de Quantin dans les rues de Lyon, la foule et les rues illuminées pour Noël, ces lumières qui attirent les jeunes comme des lucioles pour mieux briser leurs illusions.

   
La gare de Perrache                                La rue de l'arbre sec

Résumé
Quantin, un paysan jurassien, décide de partir à Lyon retrouver sa fille Marie-Louise, partie travailler à la ville depuis deux ans, après que celle-ci a annoncé dans une lettre laconique ne pas pouvoir rentrer à la ferme familiale pour Noël.
Quantin, peu habitué à la vie citadine, cherche la piste de Marie-Louise dans les rues de Lyon. Au fil de son enquête, il découvre la vie de sa fille, très différente de celle qu'il imaginait.

Pour Quantin, le voyage à Lyon revient à changer d’univers. Certes, il est déjà venu dans la grande ville mais il y a bien longtemps. En fait, il s’était décidé sur l’insistance de sa femme Isabelle qui se fait beaucoup de soucis pour sa fille Marie-Louise partie gagner sa vie à Lyon. « Coiffeuse », disait-elle dans les quelques lettres adressées à sa famille. Isabelle et sa fille cadette Denise sont restées dans la ferme située sur les hauteurs de Lons-le-Saunier dans le Jura. Elles doivent se sentir bien seules ce 22 décembre, calfeutrées dans une maison isolée par la neige abondante tombée les jours précédents. Pourquoi Marie-Louise ne vient-elle pas passer comme d’habitude les fêtes de Noël en famille ?

    
 Lyon : Place Bellecour                                  Rue de la république

Quantin a sillonné le centre de Lyon, cognant à la porte de sa fille rue de l’Arbre sec, allant dans les boutiques où elle avait travaillé, rue des Archers, vers la place Bellecour, qu’il appelle "la place des Angoisses", entre la rue de la République et la rue de l’Hôtel de ville : personne, Marie-Louise n’est pas rentrée… Elle a quitté le salon Roberti puis un autre salon et maintenant elle travaille seule, coiffeuse, manucure, Quantin ne sait mais il doit bien y avoir une explication à tout cela. Effondré, ne sachant que faire, Quantin traîne dans la gare de Perrache, allant jusqu’à l’esplanade puis revenant dans la salle des pas perdus et finit par regagner l’immeuble de sa fille où il rencontre une voisine.

              
     Rue Edouard Herriot                                                    Place Carnot  
Maintenant, il ne peut plus se bercer d’illusions ; il sait. Et n’a plus aucun moyen de retrouver Marie-Louise. Le temps du retour est arrivé. Les silences partagés avec l’instituteur amoureux de Marie-Louise sont bien loin. « Était-il donc possible d’aimer aussi vite et avec tant de passion ». Tout le monde était malheureux de cette Arlésienne qu’était devenue Marie-Louise et lui le premier. Quantin se sentait impuissant. Il gravissait péniblement dans une neige épaisse, le chemin qui menait à sa ferme. « Quand il neige de bise, il neige à sa guise » dit-on ici dans le Jura. Toutes les traces ont disparu. Celles de l’instituteur, celles… de Quantin, comme dans cet autre récit de Bernard Clavel, un livre de souvenirs, Écrit sur la neige où les mots aussi sont condamnés à être effacés. Lui qui n’a jamais su mentir, il va devoir cacher la vérité à Isabelle et à Denise, inventer une belle histoire pour les protéger, leur éviter l’insupportable. Toute vérité n’est pas bonne à dire.

Jamais chez les Quantin, on ne pourra respecter la coutume locale, ce rituel ancestral lié au vin jaune (AOC) produit dans la région : lors d’une naissance, conserver dix bouteilles de l’année et les boire pour le mariage de l’enfant. Marie-Louise allait désormais vivre à Paris, loin d’eux, satisfaire cette ambition qu’elle avait toujours eue, « Marie-Louise, une fille pas comme les autres… »

                           
                                 Photo tirée du film avec Fernandel

Notes et références
  1. On peut également citer les deux cycles de La Grande Patience et du Le Royaume du Nord, et des romans comme Le Tambour du bief, L'Espagnol ou plus récents comme Meurtre sur le Grandvaux ou La Retraite aux flambeaux.
  2. Il exprime dans Je te cherche, vieux Rhône son attachement à ce fleuve qu’il aimait tant ainsi qu'à la vallée du Rhône, tout comme dans les romans Pirates du Rhône, Le Seigneur du fleuve ou La Guinguette et, parmi les plus récents, Brutus ou La table du roi.
    <<< Christian Broussas - Feyzin, 10/12/2009 - << © • cjb • © >>>

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