jeudi 2 octobre 2014

Tiennot ou L'île aux Biard

Référence : Bernard Clavel, "Tiennot ou l'île aux Biard", éditions J'ai lu, juillet 1995, 128 pages, ISBN : 2-277-30035-7 

   Bernard Clavel - Tiennot ou L'île aux Biard.             

Le récit commence par cette dédicace : « À Pierre Trabaud en souvenir de Légion et d'un Tiennot qu'il a bien connu. »

L'île, Tiennot y est particulièrement attaché. L'île aux Biard avec son grande bâtisse flanquée d'un appentis située quelque part entre saules et peupliers où passe l'eau de la Loue. Solitude assurée. Maintenant qu'il vient d'enterrer Justin son père, Etienne Biard, dit Tiennot (pour Etienne), n'a plus maintenant pour lui tenir compagnie que ses animaux, ses poules, ses lapins et surtout la "Miaule" son mulet.
A trente-cinq ans, il est en pleine force de l'âge et le travail ne lui fait pas peur. Il contemple au loin les plateaux du Jura, terre austère même pour lui.

La rivière La Loue

Mais il sent une opportunité quand Flavien, le cafetier du village, lui propose une compagne. Il demande à réfléchir bien sûr, dame, quel bouleversement dans sa vie ce serait, surtout que Clémence est plutôt bien roulée, sans doute pas très intéressée par une vie à la campagne dans ce coin reclus. Clavel la présente comme "une fille pas très grande, pas trop grosse non plus, mais avec des formes bien pleines, des hanches larges et une poitrine qui pesait lourd dans un corsage vert clair à colet à poignets rouges."

On peut ainsi déjà penser que, pour une jeune femme rêveuse, qui se fait des idées sur sa future existence, une telle vie n'est pas faite pour combler ses voeux. Et Tiennot, après avoir goûter sa compagnie et s'être fait des idées lui aussi sur ce bonheur simple qu'il entrevoit, n'est pas prêt de vouloir revenir à son ancienne vie.

    

C'est un court roman que nous propose Bernard Clavel, ou une grosse nouvelle si l'on veut, mais plutôt âpre et sans concession, un roman qui aborde les questions de la fatalité et de la perte de l’innocence.
Dans cette région isolée et assez sauvage où le roman se déroule le récit, ce sont les lois de la nature et les caprices de la rivière la Loue qui s'imposent. Ces existences prévisibles et paisibles n'imaginent pas que le malheur puisse surgir un jour de l'extérieur, d'autant que Tiennot est un gros garçon gentil et pas vraiment malin mais sans malice, qui ne voit pas le mal.

Il ne voit pas que, tapie derrière les traits gracieux de Clémence, son destin est tracé et que malgré ses efforts, il ne maîtrise sa vie en aucune façon.
Bernard Clavel distille le suspense comme il sait le faire, peignant ce milieu paysan qu'il connaît si bien, la nature avec son côté terrible comme pendant l'inondation de la petite île et ses conséquences, et peu à peu l'inexorable logique va s'accomplir dans ce lieu confiné où tout changement semble ne pouvoir rien apporter de bon.

Par certains côtés, cette histoire renvoie à un thème cher à Bernard Clavel, qu'il a aussi traité dans d'autres contextes, comme Robert Paillot dans Malataverne ou Félicienne Marquand dans La Guinguette, personnages qui vivent des histoires parallèles de solitude, d'absence d'aide, d'assistance de la part d'un proche, parent ou ami, et c'est cette absence même qui fait que le récit bascule dans le drame.

Un extrait
"La tranchée de la forge achevée puis rebouchée et soigneusement damée, Tiennot s’était livré à d’autres besognes pour des gens du village. Ce n’était pas l’ouvrage qui lui manquait, avec son arrosage, la cueillette des légumes et les soins à donner aux bêtes. Le dimanche, il était allé renquiller tout l’après-midi, et il avait gagné dix francs sans se fatiguer. Le soir, alors qu’il rangeait les boules et les quilles, le cafetier l’avait pris à part pour lui dire : – nos affaires sont en chemin, mon vieux Tiennot. Ce serait pour cette semaine que ça m’étonnerait pas. Je t’ai trouvé ce qu’il te faut… Tu verras."
 
    <<< Christian Broussas - Tiennot - Feyzin, 10/12/2009 - << © • cjb • © >>> 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire